Mais cette poussée menace de remettre en cause encore plus les principes républicains d’égalité et de solidarité sur lesquels repose notre système de santé.
La garantie de l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire est inscrite dans la Constitution. Pourtant, l’accès aux soins dans notre pays est devenu difficile pour de très nombreux habitants.
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Deux millions vivent dans des déserts médicaux, 50% des médecins généralistes n’acceptent plus de nouveaux malades.
Pour les spécialistes, à un accès territorial difficile s’ajoutent les dépassements d’honoraires qui constituent pour beaucoup un obstacle financier.
Notre système d’assurance-maladie a pourtant été conçu pour permettre à tous l’accès aux soins grâce à une double solidarité, des plus aisés vis-à-vis des moins fortunés et des bien portants vis à vis des malades.
Hors Sujet
Or ces principes ont été attaqués par la réduction des recettes (exonération de cotisations sociales), la diminution des remboursements, l’augmentation du forfait hospitalier journalier en cas d’hospitalisation et le doublement des franchises ; dépenses dorénavant couvertes par des assurances complémentaires (mutuelles et compagnies d’assurances) moins égalitaires et moins solidaires, pour ceux qui en ont une.
Recherche maximale de profit
Le président de la République avait affirmé au moment de l’épidémie de Covid que «le jour d’après ne serait pas le retour au jour d’avant».
Il avait annoncé un conseil national de la refondation, un nouveau CNR faisant écho à celui de 1945 qui avait créé la Sécurité sociale.
Plus de deux ans ont passé sans qu’aucune réforme ne soit mise en œuvre en dehors du doublement des franchises sur les consultations, les médicaments et les transports sanitaires et le projet de remise en cause de l’aide médicale d’Etat ; les quelques annonces sur le «bien vieillir» ou pour faire suite aux assises de la pédiatrie ne verront probablement pas le jour.
Les professionnels de la santé attendent qu’enfin la politique réponde aux besoins des patients et ne soit pas qu’une politique budgétaire visant à réduire le périmètre de l’assurance-maladie en transférant les charges vers un système assurantiel privé.
Dans le domaine du médicament, les ruptures d’approvisionnement sont devenues majeures. Elles touchent les anticancéreux, les antibiotiques, les antihypertenseurs, les vaccins, les corticoïdes, le paracétamol… En 2008 les autorités sanitaires s’inquiétaient des ruptures au nombre d’une cinquantaine.
Elles ont été d’environ 5 000 en 2023… Ces ruptures s’expliquent par la recherche maximale de profit par l’industrie pharmaceutique et préfigurent ce qui peut arriver à l’ensemble de notre système de santé si le processus de privatisation-financiarisation en cours, concernant les laboratoires, les centres de radiologie, les cliniques commerciales et demain les centres de santé, n’est pas stoppé.
Mettre fin aux ruptures répétées de médicaments
En matière de prévention alors même que le ministère s’intitule «de la santé et de la prévention», en dehors du souhait d’installer à 25, 45 et 65 ans des check-up (mesures dont l’efficacité est par ailleurs très discutée), aucune orientation n’est annoncée alors qu’il est urgent de revitaliser la Protection maternelle et infantile (PMI), la santé scolaire, la pédopsychiatrie, la santé des adolescents, la santé au travail et de mettre en œuvre des politiques de réduction des risques concernant l’alcool, le tabac, la nutrition, les pollutions et les drogues.
La seule réponse de l’extrême droite à la colère sociale croissante est de désigner l’éternel bouc émissaire en situation de crise : «l’étranger qui vient manger notre pain».
Alors que ces étrangers rapportent plus au pays qu’ils ne coûtent, que la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France, est le huitième département le plus contributeur au financement de la protection sociale et que nous avons besoin des médecins étrangers pour faire marcher nos hôpitaux et réduire nos déserts médicaux.
Pour combattre réellement le RN, les partis politiques doivent proposer des mesures d’urgence pour améliorer la situation sociale de la population.
Et une fois arrivés au pouvoir, ils doivent les mettre en œuvre, et non se renier. La santé fait partie des sujets prioritaires.
Il est urgent de créer, au niveau de chaque territoire, un service de santé d’intérêt général sans dépassement d’honoraires et assurant la permanence des soins.
La médecine de ville et les établissements hospitaliers doivent y collaborer. Pour réduire les déserts médicaux, il faut créer des centres de santé pluriprofessionnels liés aux hôpitaux.
Il faut mettre fin aux ruptures répétées de médicaments par l’obligation faite à l’industrie pharmaceutique de disposer de stocks d’au moins 4 mois pour les médicaments essentiels et créer, comme aux Etats Unis d’Amérique, pour les médicaments d’intérêt médical majeur, un établissement public du médicament, à dimension européenne.
Il faut définir un panier de prévention et soins solidaire remboursé à 100% par la Sécurité sociale.
Enfin, nous avons besoin de professionnels de santé. Le «numerus apertus» mis en place par le gouvernement permet une augmentation des jeunes médecins qui entreront en activité dans une dizaine d’années, faut-il encore donner les moyens de leur formation aux facultés de médecine et réguler la liberté d’installation.
Quant aux infirmières, la définition d’un nombre maximal de patients par soignants dans les hôpitaux permettra d’améliorer la qualité des soins.
La formation et le recrutement de 100 000 infirmières avec une progression salariale permettra de répondre aux besoins.
Nous considérons que notre République et notre démocratie sont en danger, et nous demandons aux candidates et aux candidats des engagements sur la santé prenant en compte les propositions énoncées.
François Bourdillon (médecin de santé publique), Julie Chastang (médecin généraliste), Mady Denantes (médecin gnénéraliste), Anne Gervais-Hasenknopf (hépatologue hospitalier), André Grimaldi (professeur émérite de diabétologie) et Olivier Milleron (cardiologue hospitalier).
Membres du Collectif de professionnels et de patients pour la refondation de la santé (CPPRS), créé en 2023, qui fait des propositions pour la réforme du système de santé.
La plupart de ses mesures sur l’ensemble du champ de la santé ont été publiées par la Grande Conversation, la revue intellectuelle et politique de Terra Nova et dans Notre santé 7 questions 7 réponses. Le débat confisqué par André Grimaldi et François Bourdillon. Odile Jacob, Mai 2023.