C’était il y a exactement 30 ans.
Sous la bannière du Parti travailliste, elle s’était lancée dans la course de l’élection présidentielle de 1994, qui s’est avérée mouvementée, en plein soulèvement de l’Armée zapatiste de libération nationale et après l’assassinat du candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), parti qui aura été au pouvoir pendant plus de 70 ans.
C’était aussi 20 ans avant que le principe de la parité, qui oblige les partis politiques à présenter autant de femmes que d’hommes, soit enchâssé dans la Constitution.
« On a fait un virage à 180 degrés, lance Cecilia Soto, en entrevue au Devoir.
Quand j’étais candidate, 85 % des gens disaient qu’une femme ne pouvait pas être présidente.
Aujourd’hui, seulement 15 % considèrent qu’une femme ne peut pas gouverner le pays. »
Son séjour d’étudiante en physique à l’Université nationale autonome de México coïncide avec Mai 68, mouvement qui lui donne l’étincelle pour les questions sociales alors qu’elle se tourne vers le militantisme étudiant.
Aujourd’hui, avec 52 ans de politique dans le corps, Cecilia Soto est inarrêtable. « Je devrais être à la retraite, mais je ne peux pas », lance en riant cette petite-fille d’un ex-gouverneur du Sonora.
Ex-députée fédérale, la septuagénaire s’est aussi grandement impliquée, à la fin des années 1980, dans la campagne présidentielle de Cuauhtémoc Cárdenas, qui a pris ses distances du PRI pour faire un virage à gauche en fondant le Parti de la révolution démocratique (PRD).
Dans la présente campagne électorale, qui pour la première fois de l’histoire du pays fera vraisemblablement élire une femme, c’est à travers le Front civique national qu’elle a voulu porter bien haut le flambeau de la démocratie.
Lors des élections intermédiaires de 2021, voyant que Morena, le parti au pouvoir, perdait un soutien important — il est passé de 308 députés à 281 et a perdu un million de voix dans la capitale —, Cecilia Soto a senti souffler un vent d’espoir.
« On sentait qu’il y avait un grand désenchantement », dit celle qui ne porte pas particulièrement le président sortant, Andrés Manuel López Obrador, dans son coeur. Rapidement, elle a choisi son camp : Xóchitl Gálvez à la présidence.
Au fil des « marches roses » (marchas rosas) qu’elle a contribué à organiser, le soutien de la société civile à cette candidate d’abord négligée s’est mis à croître.
Tant et si bien que Morena s’est mis à diaboliser tout le mouvement. « C’est une prouesse que de commencer de rien, avec un petit groupe comme le nôtre, et de réussir [à positionner] une grande candidate », dit-elle.
Une candidate qui affrontera un gouvernement qui n’a pas su soutenir les femmes, fait valoir Cecilia Soto. « Ce n’est pas ça, un gouvernement de gauche. »
Sa confiance va plutôt au peuple mexicain, qui s’apprête à se rendre aux urnes. En une génération, la société mexicaine a changé « en mieux », croit-elle. « On ne doute plus que les femmes savent bien gouverner. »
Malgré tout, faire élire une présidente ne suffit pas pour mettre fin à des années de culture machiste et misogyne.
« J’ai pris un taxi l’autre jour, et le chauffeur m’a dit qu’il voterait pour Máynez. Pourquoi ? Juste parce que c’est un homme, raconte Cecilia Soto en s’esclaffant de bon coeur. Il y a encore du travail à faire. »
Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.