Elle est presque devenue l'apanage de dirigeants populistes tels que le président argentin Javier Milei, ainsi que les anciens présidents américain Donald Trump et philippin Rodrigo Duterte.
Les outrances et les excès de langage répétés sont des stratégies politiques qui visent à atteindre un impact précis.
Les insultes proférées par des figures comme Donald Trump ou Javier Milei ne sont pas des lapsus. Ils ne présentent jamais d'excuses après les avoir lancées, démontrant ainsi que c'est un outil clé de leur arsenal rhétorique.
Selon Philippe Moreau Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences Po à Paris et président de l'agence MCBG Conseil, cette rhétorique populiste vise tout d'abord à déstabiliser ses adversaires, qui se retrouvent souvent déconcertés et incapables de répondre.
"Ensuite, cela permet d'ancrer dans l'esprit du public des images négatives associées à ses adversaires.
C'est à la fois transgressif, rebelle et efficace en termes de communication", ajoute le spécialiste interrogé dans Tout un monde. Un outil de radicalité pour les populistes
Jean Garrigues, historien et président du comité d'histoire parlementaire et politique, relève que l'insulte en politique est une stratégie efficace pour les dirigeants qui s'inscrivent en rupture du discours politique traditionnel. Et elle s'adresse avant tout à l'opinion publique.
"On essaie à la fois de brutaliser et d'hystériser le débat", et donc de projeter une image de radicalité alignée sur le populisme.
Philippe Moreau Chevrolet souligne que le niveau de langage est une caractéristique du style d'un dirigeant.
"Il est assez fréquent d'utiliser des insultes quand on est un Donald Trump ou un dirigeant dont le style est un peu bouffon, caricatural, car il est souvent difficile de déterminer si leurs propos sont humoristiques, violents ou simplement dérisoires. Ils jouent constamment sur cette ambiguïté, ce qui est typique du registre populiste", précise-t-il.
Selon lui, c’est une manière de dire aux gens "Regardez, je suis comme vous, je parle le langage de la rue.
Lui, il n'est pas bien, donc je vous le dis carrément.
Je ne passe pas par des métaphores ou des circonvolutions, je ne fais pas de langue de bois, je suis un homme du peuple".
Le symbole d'un malaise démocratique
Pour l'historien Jean Garrigues, "l'insulte n’a pas de raison d’être en démocratie (…) qui est un débat dans lequel chacun respecte l'opinion d'autrui, dans lequel on n'a pas à s'invectiver".
Outrage et formule, deux stratégies à distinguer
Si l'insulte est le signe d'un malaise démocratique, ce n'est pas le cas d’une autre forme de langage, très usitée en politique, la formule, la petite phrase qui pique.
Philippe Moreau Chevrolet souligne que son efficacité réside dans une caricature qui touche juste: Par exemple "lorsque Jean-Luc Mélenchon qualifie François Hollande de 'capitaine de pédalo', cela fait sourire, car l'image est immédiatement perceptible. C'est efficace."
"En revanche, l'insulte pose un problème majeur en raison de sa violence. Elle antagonise immédiatement le camp opposé (...) et marque un point de non-retour", poursuit-il.
En dépit de leur controverse, les insultes et la vulgarité en politique ne sont pas nécessairement des obstacles à une élection.
Elles peuvent être interprétées par certains citoyens comme des manifestations de conviction profonde.
David Sander, professeur de psychologie des émotions à l'Université de Genève, explique que l'expression d'émotions intenses peut signaler l'importance d'une valeur pour une personne, renforçant ainsi "l'aspect identitaire et l'adhésion à un parti politique, surtout de la part des personnes qui partagent déjà ces valeurs".