Lors de la dixième édition de la coproduction télévisuelle arabo-européenne « Entre les Rives », organisée par l’Union des Radios des États Arabes et la Conférence Permanente de l’Audiovisuel Méditerranéen (COPEAM), deux documentaires ont capté tous les regards : « Le Masque de la Vie » de Tunisie et « Danser en Liberté » d’Espagne.
Sous le thème « Le Pouvoir de l’Art : Créer pour Transformer », le jury a couronné ces deux films pour leur qualité audiovisuelle exceptionnelle, leur lien étroit avec l’axe de la compétition et la puissance des personnages centraux, porteurs de messages humains profonds.
« Le Masque de la Vie » : Des Ombres du Désespoir à la Lumière de l’Art
Au cœur de la Tunisie, où la vie se mêle de défis, le documentaire « Le Masque de la Vie », réalisé par Fadia Ben Henda et produit par la Télévision Tunisienne, raconte l’histoire d’Abdel Salam, un jeune homme de 19 ans dont la vie a basculé des ténèbres de l’errance à la lumière de la création.
Après le décès de sa mère, Abdel Salam a traversé une enfance douloureuse, contraint de travailler dans les marchés dès l’âge de 14 ans.
Malgré ces épreuves, il a poursuivi ses études, mais le chemin sombre de la délinquance a failli l’engloutir.
Le tournant décisif est survenu lors d’une rencontre fortuite avec un ami qui l’a invité à rejoindre un club culturel. Là, guidé par l’artiste Raouf Ben Yaghlane, Abdel Salam a découvert sa passion pour le théâtre. « L’art a été le point de bascule de ma vie », confie-t-il.
Le théâtre est devenu son refuge, un espace d’expression qui lui a permis de se libérer des chaînes de la drogue et de gagner en confiance. Plus encore, il a partagé son expérience avec ses camarades, transformant son parcours en une source d’inspiration.
Son histoire a même inspiré une pièce de théâtre, portée par le club, prouvant que l’art peut être un vecteur puissant de changement.
Ce film illustre avec force la capacité de l’art à transformer les destins individuels et collectifs. Le choix d’Abdel Salam comme figure centrale reflète la vision de la réalisatrice Fadia Ben Henda, qui excelle à mettre en lumière des récits authentiques et inspirants, faisant de ce documentaire le lauréat du meilleur film arabe.
« Danser en Liberté » : Briser les Barrières par la Danse
Sur la rive européenne, « Danser en Liberté », réalisé par Clara Blazquez et produit par la Télévision Espagnole, raconte l’histoire d’Esmeralda Valdierrama, une femme qui a consacré sa vie à défier les stéréotypes dans l’univers de la danse.
À Séville, Esmeralda a fondé une académie dédiée à l’épanouissement des personnes en situation de handicap à travers les arts, convaincue que la diversité des corps crée des énergies uniques sur scène.
Parmi ses élèves, Heliot, un danseur de 36 ans atteint du syndrome de Down, se distingue.
Il a commencé la danse à l’âge de neuf ans, parcourant chaque jour une heure depuis son village en périphérie de Séville pour rejoindre l’académie.
Aujourd’hui, danseur professionnel, Heliot émerveille par sa capacité à exprimer des émotions à travers la danse contemporaine.
Sa relation avec Esmeralda, semblable à celle d’une mère et de son fils, les a conduits à parcourir le monde pour présenter leurs spectacles, récompensés par de nombreux prix.
Ce documentaire ne se contente pas de narrer un succès individuel ; il célèbre le pouvoir de l’art à promouvoir l’inclusion sociale.
Par la danse, Heliot et Esmeralda repoussent les limites, prouvant que la créativité peut redéfinir les normes établies autour du handicap. Cette vision a valu au film le prix du meilleur documentaire européen.
Mention Spéciale : « Adagio » et la Force des Femmes
Outre les deux lauréats, le jury a décerné une mention spéciale dans la catégorie des femmes au film « Adagio », réalisé par Ali Al-Kanani et produit par la Télévision Irakienne.
Ce documentaire retrace le parcours d’une femme courageuse et indépendante, dont l’action inspire d’autres femmes et promeut l’idée d’une société plus équitable.
Cette mention souligne l’engagement d’« Entre les Rives » à mettre en avant les enjeux sociaux, en particulier l’émancipation des femmes.
« Entre les Rives » : Un Pont de Créativité Arabo-Européen
Depuis ses débuts, le projet « Entre les Rives » vise à renforcer la collaboration entre les organismes télévisuels arabes et européens, offrant une plateforme d’échange d’idées et d’expertises. Pour sa dixième édition, 13 institutions (7 arabes et 6 européennes) ont présenté des documentaires abordant des thématiques humaines avec une approche artistique raffinée.
Le choix du thème « Le Pouvoir de l’Art » reflète l’engagement du projet à valoriser le rôle de la créativité face aux défis sociaux.
Historiquement, « Entre les Rives » a contribué à des productions remarquables, comme la série « Entre les Rives 2 » en 2009, axée sur la formation des réalisateurs et l’écriture de scénarios en Tunisie.
Cet accent mis sur la formation et la coproduction renforce la qualité des œuvres et élargit les horizons du dialogue culturel.
Pourquoi ce Triomphe Compte-t-il ?
La victoire de « Le Masque de la Vie » et de « Danser en Liberté » dépasse le cadre d’un simple succès artistique.
Elle affirme la capacité de l’art à tisser des ponts entre les cultures et à inspirer le changement, tant à l’échelle individuelle que collective.
Abdel Salam, qui est passé de l’errance à la création, et Heliot, qui a défié les stéréotypes par la danse, incarnent la force de la volonté et de l’art.
Ces histoires nous rappellent que la créativité n’est pas un luxe, mais une nécessité pour bâtir des sociétés plus inclusives et humaines.
À une époque marquée par les divisions, « Entre les Rives » prouve que l’art peut unir les deux rives, arabe et européenne, dans un dialogue humain profond.
Un documentaire peut-il changer le monde ? Peut-être pas le monde entier, mais il peut transformer des vies, et c’est déjà une victoire immense.